La plupart des espèces de champignons ont des cycles de vie compliqués, pléomorphes. Cela signifie donc qu’ils peuvent exister sous deux formes, une forme anamorphe, au cours de laquelle il se reproduit asexuellement et produit des copies de lui-même génétiquement identiques, et une forme téléomorphe qui apparaît lorsque deux champignons génétiquement compatibles fusionnent et produit des appareils sporifères. Les formes téléomorphes se reproduisent sexuellement, ce qui signifie que les génomes de deux champignons se combinent, produisant ainsi un organisme génétiquement unique.
Qu’est-ce qu’Eurotium?
Eurotium est un genre qui englobe les formes téléomorphes de plusieurs espèces d’Aspergillus, notamment Aspergillus glaucus. Toutefois, bien que les formes téléomoprhes d’Aspergillus aient été définies en au moins huit genres, Eurotium est le plus couramment en contact avec les humains, étant donné qu’il provoque fréquemment le pourrissement d’aliments. 81 espèces ont été décrites dans ce genre, les plus connues étant E. amstelodami, E.chevalieri, E. herbariorum et E. repens.
Un organisme, deux noms?
Oui, cela peut paraître étrange et un peu confus aux premiers abords, mais il s’agit d’une situation assez courante dans le monde des champignons, où une forme téléomorphe et une forme anamorphe d’un même organisme peuvent prendre deux noms différents. Par exemple, la moisissure connue sous le nom d’Aspergillus glaucus peut arriver à maturation et prendre alors le nom d’Eurotium herbarorium [3].
Ce concept de double nomenclature a été établi en 1910, afin de résoudre le problème des champignons au cycle de vie pléomorphe [4]. Le problème est plus grand qu’il n’y paraît. De nombreux champignons, en effet, se reproduisent uniquement de manière asexuée. Cataloguer les champignons aurait pu être bien plus simple s’ils présentaient tous des formes téléomorphes et anamorphes, étant donné qu’il n’y aurait alors aucun inconnue ni aucune incertitude sur l’existence d’une forme sexuelle. De plus, même si un champignon possède une forme sexuelle, elle est la plus souvent rare, ne pouvant être observée que sous des conditions spécifiques. Dans de nombreux cas, la forme anamorphe et téléomorphe d’un champignon étaient bien connues de la science, mais leur lien ne l’était pas pendant de nombreuses années.
Récemment, le développement des méthodes d’analyses moléculaires ont profondément changé la systématique fongique et relégué au passé le système de double nomenclature. Concrètement, les chercheurs ont adopté en 2011 le principe suivant: “un champignon, un nom”. Cependant, bien que la double nomenclature ne soit pas basée sur un principe d’évolution, elle reste assez utile dans de nombreux domaines, notamment la pathologie de la plante, la mycologie médicale et la microbiologie alimentaire. Les téléomorphes, en effet, sont la plupart du temps regroupés en fonction de leur morphologie et de leur physiologie. Une telle classification est donc très utile d’un point de vue pratique.
Prenons par exemples trois genres téléphomorphes d’Aspergillus: Eurotium, Neosartorya et Emericella. Les espèces d’Eurotium sont xérophiles, et peuvent se développer dans àpeu près tous les milieux aquatiques. Les espèces de Neosartorya, elles, ne sont par contre pas xérophiles. Ce sont des thermophiles qui peuvent coloniser des végétaux en décomposition. Elles ont une résistance à la chaleur particulièrement élevée, ce qui leur permet par exemple de s’attaquer à des produits pasteurisés. Enfin, les espèces d’Emericella, elles, ne sont ni xérophiles, ni thermophiles. Il s’agit de champignons contenus dans la terre, que l’on peut très rarement observer dans d’autres milieux.
Ainsi, si un champignon est détecté et identifié comme appartenant à l’espèce Eurotium dans le secteur de l’agroalimentaire, les personnes en charge de la prévention sanitaire auront immédiatement qu’ils ont affaire à un organisme xérophile. S’il s’agit en revanche de Neosartorya, ils sauront alors que la pasteurisation sera sans effet. De ce fait, regrouper toutes ces formes téléomorphes sous le seul nom d’Aspergillus provoquerait alors une perte d’information. Le système de double nomenclature est donc encore un sujet de débat dans la communauté des mycologues [4].
Où peut-on retrouver Eurotium?
Les espèces d’Eurotium sont connues pour être des colonisateurs osmotolérants de substrats secs où à faible activité d’eau du fait de leur forte concentration en sucres et sels dissous. Ils ont été détectés notamment dans les eaux dont la salinité dépasse 17%. La plupart d’entre eux peuvent se développer dans des eaux dont l’activité est inférieure à 0,75, certains ayant même été détecté sous 0,64 [5]. On les retrouve souvent dans l’industrie agroalimentaire, à l’origine du pourrissement de nombreux aliments. Ils sont par ailleurs courants dans le secteur des nourritures animales, étant donné que du grain mal entreposé peut leur fournir un environnement idéal.
De plus, il s’agit de colonisateurs majeurs de la poussière dans les environnements intérieurs, ainsi que sur les cuirs, les textiles et les livres entreposés dans des climats légèrement humides. E. herbarorium est d’ailleurs le troisième champignon le plus courant identifié dans des échantillons de gypse moisi prélevé dans du placoplâtre de bâtiments aux Etats-Unis et au Canada. En Amérique du nord, les espèces d’Eurotium se retrouvent ainsi fréquemment dans l’isolation, le placoplâtre, le bois composite et les dalles de plafond. On les retrouve aussi, isolés, dans les filtres de ventilation, les taps, sur les peintures, les dalles en céramique et sur l’efflorescence de ciment. Du fait de leurs capacités à se développer y compris dans des environnement peu humide, ils sont considérés comme étant des colonisateurs primaires. Les espèces d’Eurotium sont reconnues comme étant les membres les plus courants de la famille des Ascomycota en environnement intérieur, notamment sur les murs, les autres surfaces planes et sur la poussière [7].
Eurotium est-il dangereux?
Les effets d’Eurotium sur la santé sont encore assez peu étudiés, comparés par exemple aux effets de leurs homologues du genre Aspergillus. Leur rôle dans des infections oculaires, auriculaires et subcutanées, des mycétomes, des mycoses bronchopulmonaires a été cependant reconnu. Par ailleurs, ils sont la cause confirmée d’abcès cérébraux sur des patients par ailleurs en bonne santé [3]. Enfin, une présence élevée d’Eurotium dans des écoles victimes de dégâts d’eau a été associée à une prévalence plus importante d’asthme chez les enfants qui les fréquentaient [9].
De nombreux rapport cliniques n’offrent qu’une description taxonomique incomplète, et ne mentionnent donc pas si la forme téléomorphe ou anamorphe est à l’origine de l’infection. Toutefois, il est probable qu’un nombre significatif de mycoses opportunistes, particulièrement les cas de kératite, soient causés par des espèces d’Eurotium, bien que l’implication d’une forme thermotolérante d’E. Amstelodami soit bien plus probable que les relativement peu communes et moins thermotolérantes E. herbariorum/A. glaucus [3].
Il est donc effectivement pertinent de souligner les effets sur la santé de A. glaucus et de ses proches, étant donné qu’ils ne sont séparés des espèces d’Eurotium que par une seule étape dans leur cycle de vie. A. glaucus a été principalement associé à une variété d’infections oculaires, particulièrement après une blessure traumatique. D’autres infections sont aussi associées à A. glaucus, notamment cérébrales, orofaciales, cardiovasculaires, pulmonaires, nasales et auriculaires, bien qu’elles soient rares. Un seul cas fatal, en effet, est associé à A. glaucus: un patient par ailleurs en bonne santé et immunocompétent est en effet décédé suite à une infection cérébrale causée par A. glaucus, qui s’est avérée mortelle malgré un traitement antifongique agressif [10].
Comment se débarrasser d’Eurotium?
Si vous avez détecté de la moisissure quelle qu’elle soit chez vous ou sur votre lieu de travail, vous en débarrasser devrait être votre première priorité. Bien qu’il soit vrai que certaines espèces sont plus dangereuses que d’autres, il est important de rappeler que la moisissure se développe en colonies mixtes, ce qui signifie que plusieurs moisissures dangereuses peuvent, à moyen terme, apparaître. En dehors des moisissures cultivées en laboratoires, il est rare qu’une prolifération de moisissures ne soit constituée que d’une seule espèce. La présence d’un colonisateur primaire comme Eurotium est comme un appel à d’autres moisissures pour se développer sur un habitat qui leur est désormais viable.
Éliminer de petites colonies est un travail qui peut être effectué par n’importe qui. S’occuper d’infestations beaucoup plus grandes et profondes ne devrait cependant être le travail que de professionnels. Les grosses infestations, en effet, sont typiquement causées par un problème d’humidité. Il ne s’agit parfois que d’un tuyau qui fuit ou une gouttière bouchée, mais il peut parfois provenir d’un bâtiment mal conçu, d’un mauvais drainage des eaux de pluie ou d’une mauvaise isolation. Réparer ces problèmes peut donc s’avérer très cher, et faire appel à un professionnel en décontamination de la moisissure vous permettra donc de détecter ces problèmes avant que vous ne soyez obligé de dépenser des sommes beaucoup plus importantes.
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References
- Pitt JI, Hocking AD (2009). Aspergillus and Related Teleomorphs. In: Fungi and Food Spoilage. Springer, Boston, MA, pp 453.
- Bensch K (2019). Eurotium. Retrieved from mycobank.org.
- Howard DH (2003). Pathogenic Fungi in Humans and Animals. Marcel Dekker, New York. pp 240-498.
- Pitt JI, Samson RA (2007). Nomenclatural considerations in naming species of Aspergillus and its teleomorphs. Stud Mycol. 59:67–70.
- Butinar L, Zalar P, Frisvad JC, Gunde-Cimerman N (2005). The genus Eurotium – members of indigenous fungal community in hypersaline waters of salterns. FEMS Microbiol Ecol. 51(2):155-66.
- Greco M, Pardo A, Pose G, Patriarca A (2018). Effect of water activity and temperature on the growth of Eurotium species isolated from animal feeds. Rev Iberoam Micol. 35(1):39-48.
- Flannigan B, Samson RA, Miller JD (2011). Microorganisms in home and indoor work environments: diversity, health impacts, investigation and control. CRC Press. Boca Raton, FL. pp 55-107.
- Oshikata C, Watanabe M, Saito A, Ishida M, Kobayashi S, Konuma R, Kamata Y, Terajima J, Cho J, Yanai M, Tsurikisawa N (2017). Allergic Bronchopulmonary Mycosis due to Exposure to Eurotium herbariorum after the Great East Japan Earthquake. Prehosp Disaster Med. 32(6):688-690.
- Haverinen U, Husman T, Toivola M, Suonketo J, Pentti M, Lindberg R, Leinonen J, Hyvärinen A, Meklin T, Nevalainen A (1999). An approach to management of critical indoor air problems in school buildings. Environ Health Perspect. 107 Suppl 3:509-14.
- Lacqua A, Tom J, Wong L, Dilliberto G (2016). Aspergillus Glaucus. Retrieved from microbewiki.kenyon.edu.
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Written by:
John Ward
Account Executive
Mold Busters
Fact checked by:
Michael Golubev
General Manager
Mold Busters
